France: Preuve d'actes de concurrence déloyale: décision inédite de la Cour de cassation
22 June 2020Michaël Piquet-Fraysse
Par une décision de principe du 19 mars 2020 (n°19-11.323), qui fait l’objet d’une triple publication (P+B+I), la Cour de cassation donne un éclairage intéressant sur la répartition des pouvoirs respectifs entre juge des référés et juge des requêtes : « seul le juge des requêtes qui a rendu l’ordonnance peut être saisi d’une demande de rétractation de celle-ci ».
Si la règle en elle-même n’est pas totalement nouvelle, le contexte procédural est inédit.
Les faits et la procédure étaient les suivants : à la demande de la société de contrôle technique automobile Autovision, assistée dans la procédure au fond par Lexington Avocats, le juge des requêtes a autorisé un huissier à se rendre chez un concurrent, auquel il était reproché des actes de concurrence déloyale, pour en rechercher des preuves.
Conformément à l’ordonnance sur requête, les pièces saisies chez le concurrent étaient placées sous séquestre.
Pour obtenir la communication des pièces, la société Autovision saisissait classiquement le juge des référés du TGI Paris pour qu’il ordonne la mainlevée du séquestre.
Au cours de cette instance, le concurrent, qui n’avait toujours pas saisi le juge des requêtes d’une éventuelle demande de rétractation, sollicitait du juge des référés, à titre reconventionnel, la rétractation de l’ordonnance sur requête.
Ce dernier, estimant qu’une telle mesure relevait effectivement de son pouvoir, statuait sur cette demande (bien que la rejetant), et, par la même décision, ordonnait la mainlevée du séquestre.
Le concurrent, débouté de l’intégralité de ses demandes, interjetait appel de cette ordonnance de référé.
Devant la cour d’appel, la société Autovision sollicitait l’annulation partielle de l’ordonnance de référé pour excès de pouvoir sur la partie relative à la rétractation, et la confirmation pour le surplus.
Si la Cour de cassation avait déjà statué dans ce sens, c’était uniquement en matière de saisie-contrefaçon (Cass. com., 21 octobre 2014, n°13-15435).
En revanche, il n’existait aucune décision antérieure équivalente rendue sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
Pour sa part, le concurrent soutenait en appel, comme il le fera à nouveau devant la Cour de cassation, que le juge des référés et le juge des requêtes étant la même personne, à savoir le Président de la juridiction, il serait artificiel de les distinguer.
Toutefois, la cour d’appel, suivi en ce sens par la Cour de cassation, annulait partiellement pour excès de pouvoir l’ordonnance de référé en relevant que la décision de rétractation relève « de la compétence exclusive du juge qui a rendu l’ordonnance sur requête » (CA Paris, 25 octobre 2018, RG n°18/02635).
Par conséquent, la règle posée par la Cour de cassation dans l’arrêt précité du 21 octobre 2014 en matière de saisie-contrefaçon est désormais plus largement applicable à toutes les mesures d’instruction in futurum avec ce nouvel arrêt de la Haute cour.
Article 145 CPC – Mesures d’instruction in futurum – Concurrence déloyale – Preuve – Compétence - Juge des requêtes - Juge des référés.
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Michaël Piquet-Fraysse, Avocat Associé
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